À propos de cette édition

Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Soir, vol. I, n˚ 31
Pagination
5
Lieu
Montréal
Date de parution
30 mai 1896

Résumé/Sommaire

Le narrateur évoque les histoires de son enfance, histoires peuplées d’êtres surnaturels. Il raconte celle d’un notaire qui vivait seul avec son cheval et que le village soupçonnait d’être un loup-garou. Un jour, les villageois trouvèrent le notaire blessé au front, gisant sur le plancher de sa maison. Le soir du même jour, Marie St Onge fut poursuivie par un grand cheval noir. Elle frappa l’animal avec une paire de ciseaux et lui infligea une blessure au front, à l’endroit même où il portait une tache blanche. Le cheval noir disparut aussitôt. Depuis ce temps, on prétend que Marie St Onge a délivré le notaire du loup-garou.

Commentaires

Après une longue entrée en matière au cours de laquelle le narrateur rapporte une histoire mièvre et ridicule de lion qui s’attache à un chasseur lui ayant retiré une épine du pied, Montpetit nous introduit finalement au cœur du sujet : le loup-garou. Même s’il prétend ne pas croire aux loups-garous, cela ne change rien au statut fantastique du texte.

On remarque dans le conte de Montpetit que la définition du loup-garou a subi une extension. Le chrétien qui a été sept ans sans se confesser peut être transformé non seulement en loup ou en chien (un chien-loup), mais aussi en chat ou en cheval. C’est ce qui est arrivé, semble-t-il, au notaire car il avait la réputation « de ne pas fréquenter les sacrements ».

Je dis « semble-t-il » parce que le récit de Montpetit est fort confus dans ses explications. À certains moments, on croit que le cheval noir est la forme que prend le notaire quand il se change en loup-garou. À d’autres, on est enclin à penser que ce cheval noir est l’incarnation du diable qui veille sur son bien. À la fin, on ne comprend plus rien car le notaire et son cheval noir ont dû être blessés au front pour que l’homme soit délivré. Celui qui est victime de lycanthropie posséderait-il le don de dédoublement ? L’auteur ne dit-il pas qu’un loup-garou, « c’est à la fois un homme et une bête », expression qui peut être interprétée de plusieurs façons ?

Par contre, Montpetit est très explicite sur la façon de délivrer une personne du loup-garou : « Mais chien, chat ou cheval, quelle que soit la ligne du compagnon infernal, il porte toujours au front, une tache blanche figurative de l’onction baptismale, et l’ensorcelé peut être racheté, si une goutte de sang jaillit de cette tache blanche. » Dans le récit de Wenceslas-Eugène Dick, « Une histoire de loup-garou », et dans celui de Pamphile LeMay, « Un loup-garou », il n’était pas question de cette tache blanche, marque de vulnérabilité. Une blessure infligée n’importe où sur le corps suffisait à délivrer le malheureux.

Montpetit termine son récit en entonnant un couplet sur l’ancien temps. Son discours réactionnaire se réfugie dans un passéisme qui s’exprime par la nostalgie d’une époque révolue et le refus du progrès. En somme, si l’auteur avait gommé le début et la fin du texte, « Un notaire loup-garou » accuserait beaucoup moins son âge et susciterait plus d’intérêt. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 140-141.