À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le seul motif susceptible de tirer Christine Dalpé de son immuable sédentarité, c’est une visite de l’Opéra de Paris. Son architecture, son histoire, l’institution qu’il a longtemps représentée, tout la captive dans ce monument. Aussi, un bon matin, l’étudiante en musique se retrouve Place de la Bastille, valise à la main, éperdue dans l’infernal boucan du trafic parisien. Cinq petits jours pour tout voir de la Ville Lumière. Dès le premier, au terme d’une épuisante excursion, elle aboutit en face de l’Opéra de Paris. Sa virée impromptue dans l’édifice tourne court. Elle a perçu des images et des sons d’une autre époque, de la fin du XIXe siècle, et elle s’enfuit, troublée. Elle craint maintenant d’y retourner. Mais l’appel de l’Opéra reste le plus fort. Malgré sa peur croissante et ses plus fermes résolutions, elle y remet les pieds trois jours plus tard. Cette fois cependant, la plongée dans le temps, à l’époque où sévissait le fantôme dudit Opéra, risque de durer un bon moment puisque, comme elle s’en doute et le redoute, quelqu’un doit l’attendre dans la loge n° 5.
Commentaires
Le Fantôme de l’Opéra (1910) de Gaston Leroux a donné lieu à quantité d’adaptations, notamment en comédie musicale et au cinéma. En se colletaillant avec un sujet rebattu, Hélène Di Pinto démontre qu’il y a encore du nouveau et de l’original à offrir. Au lieu d’adapter le récit de Leroux cependant, elle s’en inspire pour élaborer un antépisode. Dans l’opération, elle fait la démonstration de ses remarquables qualités littéraires : elle campe rapidement ses personnages en les faisant parler de manière naturelle et convaincante, elle esquisse à peine les atmosphères, laissant toute la place à l’écriture et à sa force d’évocation. Aussi, même si l’émotion affleure en tout temps, on ne verse pas dans le drame.
Beaucoup de retenue donc, l’auteure prend son temps, ne brusque rien, elle fait dans le détail et la précision. C’est ainsi par exemple qu’elle arrive à exprimer la montée de la peur chez Christine, par petites touches, détail après détail. Un mordu de thrillers n’y trouvera pas son compte, c’est normal, on a affaire ici à une nouvelle littéraire où, prétendument, l’expression artistique prime la conformité aux canons d’un genre ou les topiques du jour. N’empêche, c’est une bonne idée SF que d’imaginer un monument d’une autre époque en machine à voyager dans le temps.
Après les qualités, pour faire bonne mesure, il faut bien relever les quelques faiblesses du texte. Outre quelques longueurs – au moins un, sinon deux épisodes superflus dans une nouvelle de 14 pages ! –, l’auteure travaille à la pièce, à partir d’une trame relâchée, ce qui compromet l’unité de ton et d’intention nécessaire dans un texte de cette longueur. Et qui brise le tempo du conte. Or, ce qu’on retient par-dessus tout, c’est la voix personnelle d’Hélène Di Pinto. On prend tant de plaisir à se laisser porter par son écriture soignée, équilibrée, rythmée et fluide qu’on ne porte plus attention au reste. [RG]
- Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 74-75.