À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un vieillard de Charlesbourg raconte que, vers 1868, il dut faire le trajet Québec-Charlesbourg à pied, la veille de Noël, dans une tempête de neige. Égaré, il se réfugia dans une cabane où un inconnu l’accueillit et lui révéla être un revenant. Il dit avoir jadis causé la mort d’un voyageur en lui refusant l’asile un soir de tempête. Le châtiment de cet égoïsme fut son trépas dès le lendemain et, comme pénitence additionnelle, l’obligation de revenir à sa cabane tous les ans, au soir anniversaire de sa vilenie, attendre qu’un autre voyageur pris dans la tempête lui demande le gîte. Ayant enfin eu l’occasion d’accomplir l’acte de compassion, il disparaît.
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Commentaires
La traditionnelle ouverture qui donne la parole au conteur présente cette fois-ci une différence. Le contexte n’est pas celui d’une « soirée canadienne » avec danse et violon, mais celui d’une réunion de lettrés à l’Institut canadien. Néanmoins, comme si un conte ne pouvait venir que du peuple, le conteur est un pauvre vieillard venu demander la charité à ce groupe de bourgeois.
Selon Aurélien Boivin dans son introduction au Conte fantastique québécois au XIXe siècle, le thème du revenant s’articule généralement de cette façon : un ancien pécheur, mort, est condamné à revenir sur terre pour se racheter, dans des circonstances semblables à celles de sa faute. Allons plus loin dans l’examen du motif. La « pénitence » est souvent rendue plus sévère, et plus longue, par un impératif temporel : le condamné ne peut revenir espérer le rachat de sa faute qu’une fois par année, soit la nuit des Morts, soit à l’anniversaire de sa transgression. Ici, c’est la veille de Noël, ce qui aggrave la faute du pécheur : non seulement il a manqué à la charité en fermant sa porte à un voyageur transi, mais encore il l’a fait la veille de Noël, à l’heure même où Marie et Joseph ont cherché un refuge pour la naissance de Jésus et ont reçu l’humble hospitalité des bergers après s’être heurtés aux portes closes des auberges de Bethléem.
Le parallèle est manifeste entre « Un revenant » et « Le Fantôme de l’avare » de Honoré Beaugrand, où il y a aussi refus d’hospitalité à un voyageur en détresse (mais cette fois la veille du jour de l’An). Le récit de Morissette est moins détaillé, l’attente du revenant semble y avoir été moins longue (cinquante ans chez Beaugrand). Quant à la faute d’origine, elle n’est pas motivée dans le conte de Morissette : l’homme n’est qu’un sans-cœur (alors que chez Beaugrand il était, en plus, avare : il n’a pas ouvert sa porte parce qu’il craignait pour son or). [DS]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 144-145.