À propos de cette édition

Éditeur
La Presse
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Presse, vol. XV, n˚ 89
Pagination
7
Lieu
Montréal
Date de parution
15 février 1899

Résumé/Sommaire

Le narrateur se remémore une histoire que lui a contée un chasseur, Jos. Noël, alors qu’il avait loué ses services comme guide. Celui-ci avait refusé de camper à la belle étoile près de la creek Doré. Devant l’insistance du narrateur et de ses compagnons, il avait consenti à expliquer pourquoi. Sept ou huit ans auparavant, il s’était réfugié un soir de février dans un chantier désaffecté à proximité de là pour y passer la nuit, incapable de poursuivre sa route en raison du mauvais temps. Au milieu de la soirée, une bête effrayante s’était introduite dans la cabane. Saisissant son fusil, Jos. avait tiré sur la bête, la blessant mortellement. Il avait alors constaté avec consternation qu’il s’agissait de Ti-Toine Tourteau transformé en loup-garou.

Commentaires

Louvigny de Montigny a commencé très jeune sa carrière de conteur. Il n’avait que vingt-deux ans quand il a publié « Une histoire de loup-garou ». On sent dans l’écriture de ce conte une fraîcheur, mais aussi une naïveté, qui ne trompent pas. L’auteur possède la certitude de la jeunesse, respire la joie de vivre et démontre une confiance inébranlable en l’avenir. Même si le conte de Louvigny de Montigny paraît à la fin du siècle dernier, époque dominée par le courant ultramontain, son récit ne s’aligne pas sur cette idéologie. L’auteur appartient à une autre génération que celle de Tardivel, auteur de Pour la patrie qui date de 1895.

Montigny adopte dans les premières pages un ton dégagé et décontracté qui rappelle le style du journal intime. Avant de donner la parole à son conteur, il exprime des propos qui semblent épouser les méandres de ses pensées. Ainsi, l’auteur indique sa préférence pour la liberté des vacances plutôt que pour l’étude : «… ces années que je regrette assurément pour leurs soixante jours de liberté franche, mais pas du tout à cause de l’internement de dix mois qu’il nous fallait subir sous prétexte de nous instruire, et qui nous faisait soupirer comme à l’attente d’un héritage après la sortie du collège. »

Montigny joue du contraste quand il cède la parole à Jos. Noël. Le chasseur utilise une langue qui est l’équivalent du joual de l’époque. Cette différence de langage établit clairement que l’auteur ne partage pas les mêmes valeurs culturelles que son sujet. Aussi, ce que Jos. Noël raconte le concerne déjà moins parce que l’auteur a conscience de ne pas partager le même monde des croyances religieuses. Il consent à l’écouter et finit peut-être par le croire mais au fond de lui-même, en homme du XXe siècle qu’il est, Louvigny de Montigny se fiche de savoir si le conteur dit la vérité.

Faut-il voir dans la mort du mécréant Ti-Toine Tourteau une préfiguration de la mort symbolique du loup-garou ? Il n’est pas courant, en effet, que la victime soit tuée. Ordinairement, la délivrance est assurée au moyen d’une arme blanche sans que la vie du pécheur ne soit mise en danger. Or, Jos. Noël a utilisé une arme à feu, produit du progrès. Au seuil du XXe siècle, ce coup risque bien d’être fatal au thème du loup-garou et même à toute la littérature fantastique.

« Une histoire de loup-garou » n’est pas un grand texte mais il est important parce qu’il annonce la rupture entre les deux siècles. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 138-139.