À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Jancek (Janosh) Kempter reçoit une lettre de sa mère morte depuis 23 ans. Elle l’invite au mariage de son frère Boris alors que Jancek n’a pourtant qu’une sœur aînée. Au fil des ans, il a senti que son pays natal s’éloignait de sa terre d’adoption. Malgré cela, le double de Jancek, Janosh, entreprend de revenir chez lui.
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Commentaires
Affirmer que cette nouvelle d’Yves Meynard est proprement kafkaïenne, c’est peu dire, d’autant plus que le nom du personnage principal, Jancek Kempter, a une consonance tchèque. Mais cela risquerait d’en occulter le sens et la richesse car les thèmes qui sont traités ici, l’identité, l’exil et le dédoublement, ont abondamment nourri l’œuvre de Kafka.
« Une lettre de ma mère » est une belle métaphore sur l’exil qui prend au pied de la lettre la distance physique qui sépare l’immigrant de son pays d’origine. Yves Meynard aurait pu se contenter de la dimension spatiale de l’éloignement. En la combinant à la notion de temporalité, si bien que le temps s’inverse dans ce pays engagé sur la voie de la régression, il a enrichi son propos. On se croirait dans l’univers surréaliste du dernier film de Kusturica, Underground, ou dans celui du cinéaste roumain Lucian Pintille. Ancienne Yougoslavie, Roumanie, Albanie, Bulgarie, peu importe, l’atmosphère est celle d’un pays de l’Est qui tourne le dos à la modernité et au progrès.
L’intérêt de la nouvelle de Meynard réside aussi dans son ton décontracté malgré la singularité de la situation de départ. Ce petit côté absurde est à peine relevé par le personnage principal et c’est sans heurt, voire tout naturellement, que la narration glisse, vers la fin, du « je » au « il » quand le personnage se dédouble. Le point de vue change alors complètement et il y a renversement des valeurs : c’est Jancek, resté en Amérique, qui semble « perdu dans le nouveau monde » alors qu’il y est installé depuis 15 ans.
Il me semble toutefois que la nouvelle aurait été plus forte si elle avait conservé une partie de son mystère. « Plus d’avions, plus de voitures. » À quelques reprises, on aurait souhaité que l’auteur soit un peu moins explicite.
Il s’agit tout de même d’une très bonne nouvelle, à l’émotion retenue, dans un registre nouveau pour Yves Meynard, ce qui prouve la polyvalence et la constance remarquables de cet écrivain. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 126.
Prix et mentions
Prix Boréal 1998 (Meilleure nouvelle)