À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
imagine… 50
Pagination
117-137
Lieu
Montréal
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Jon Yud Soliòn est en exil sur sa planète Wichitiòn, étant confiné à une cellule. Il peut cependant avoir accès, pour une durée limitée, à différents univers grâce à un appareil, le Porteur, qui relie tous les points d’entrée des trous de vers topologiques. Un jour, il aperçoit sur l’écran du Porteur une jeune Terrienne de treize ans, Jeanne-Marie Mule-Goyer, et en tombe amoureux. Il décide de la kidnapper et de l’amener dans sa cellule. Saura-t-il susciter son amour et sa compréhension ?

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Commentaires

J’ai toujours accueilli avec scepticisme les proclamations d’amour de Roger Des Roches pour la SF. Après tout, ses activités de poète ont tou­jours pris le dessus sur ses velléités (ou ses prétentions) de faire de la science-fiction. Mais voilà qu’avec « Le Vertige des prisons », il balaie d’un seul coup, et magistralement, toutes les objections futures qu’on pourrait lui adresser.

D’abord, dans cette nouvelle, Des Roches prouve qu’il peut raconter une histoire de façon très efficace et avec une belle sensibilité. Il démontre aussi qu’il a des idées et qu’il possède un sens inné de la vulgarisation quand il explique la théorie des trous de vers topologiques. Et, suprême qualité, il sait inventer des personnages qui ont une présence et qui réagissent en fonction d’une psychologie riche et complexe. Jeanne-Marie est une ado­lescente qui a vieilli prématurément, qui n’a pas eu le temps de vivre son enfance. Elle me rappelle la petite fille de la chanson de Diane Dufresne, J’ai douze ans. Sa relation avec son père qui est aussi son amant a quelque chose de pervers et d’innocent. Puis, le contact avec Soliòn modifie sa perception d’elle-même.

Pour sa part, le prisonnier de Basaiòn découvre au contact de Jeanne-Marie le désir charnel et son propre corps. Jusque-là, son expérience de l’amour avec sa femme Kaddisha se limitait à une transgression de l’ordre social, à une jouissance plus intellectuelle (le goût de se différencier, l’ivresse de la déviance) que sexuelle.

« Le Vertige des prisons » présente une vision renouvelée de l’incar­cération qui rappelle à certains égards le caractère impitoyable de la prison du héros de « Contre-courant » d’Agnès Guitard. Le châtiment de Soliòn ne l’atteint pas physiquement puisque les conditions matérielles dans lesquelles il vit sont très supportables. En outre, les propriétés du Porteur lui per­mettent de visiter plusieurs mondes, ce qui atténue considérablement les conséquences de son emprisonnement.

Le tour de force de l’auteur consiste à nous convaincre malgré tout du désespoir de Soliòn. C’est au plan psychologique que son exil topologique est le plus difficile à supporter puisqu’il n’existe plus aux yeux de ses concitoyens de Basaiòn. Soliòn souffre de sa perte d’identité malgré la présence à ses côtés de la femme qui l’a amené à transgresser les règles sociales en l’aimant. On peut se demander d’ailleurs en quoi sa présence est utile. On dirait qu’elle n’est là que pour dire la dernière phrase – très touchante – de la nouvelle. S’il y a une faiblesse dans ce texte, c’est là qu’elle se trouve.

La rencontre de Jeanne-Marie permet à Soliòn de reprendre contact avec son corps grâce au désir qu’il éprouve pour elle. « Le Vertige des prisons » est donc également une histoire d’amour tragique racontée avec une sensibilité frémissante qui n’hésite pas à faire appel aux ressources de l’érotisme. L’auteur aborde le sujet trouble de la sexualité des adolescents avec une franchise et une délicatesse exemplaires.

La diversité et la richesse des thèmes caractérisent cette nouvelle. Roger Des Roches a écrit un véritable petit chef-d'œuvre sur la solitude, l’in­compréhension, le désir et le bonheur éphémère. J’attends maintenant avec beaucoup d’impatience le roman qu’il nous promet pour bientôt. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 76-77.