À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le 24 juin 1972, Firlipon Roger est devenu fou : il sillonne Montréal en multipliant les actes incongrus. Posté au vidéophone central de la police, Bernard Krazava organise la poursuite avec les agents équipés de réacteurs dorsaux, mais en vain. Flora Tremblée – la propriétaire de la pension qui héberge Roger, Krazava et la jolie Patience dont Roger est épris – finit par rappeler Krazava chez elle, car elle a découvert quelque chose dans la chambre de Roger : deux feuillets portant des inscriptions mystérieuses. Krazava est convaincu qu’il s’agit de messages codés prouvant que Roger serait un espion, mais il n’arrive pas à les déchiffrer et il fait donc appel aux services de la CIA. Deux heures plus tard, un message enregistré de la CIA l’informe qu’il ne s’agit pas d’un code.
Commentaires
Éditée par le ministère des Affaires culturelles du Québec de 1966 à 1973, la revue Culture vivante s’intéressait à la culture québécoise contemporaine et n’hésita pas à publier ce récit d’un jeune auteur. Sans jamais parler d’anticipation ou de science-fiction, on nous présente le texte comme un extrait d’un roman en préparation, même s’il est loin d’être identique au texte finalement publié dans Patience et Firlipon en novembre 1970. La comparaison avec le passage correspondant aux pages 88-110 de la première édition révèle un important travail de réécriture avant la publication du livre, travail trop important pour ne pas avoir été essentiellement postérieur à la parution en revue.
Ce travail comprend de nombreux remaniements de phrases, plusieurs ajouts de détails inédits et quelques modifications mineures (l’histoire se passera en 1978 dans le roman plutôt qu’en 1972). Cependant, quelques coupures ont sans doute été opérées pour la parution dans Culture vivante qui, par exemple, fait l’économie de la reproduction des pages trouvées par Flora Tremblée. La fin du sixième chapitre, où Firlipon Roger enlève sa Patience bien-aimée pour lui faire l’amour en plein ciel, est également escamotée, tandis que l’extrait se termine sur la première scène du septième chapitre, où Krazava reçoit une réponse négative de la CIA par vidéophone.
Ce choix fait de Krazava le personnage principal du texte, se servant du vidéophone central de la police pour coordonner les agents qui traquent Roger, puis du vidéophone du directeur pour contacter la CIA. Cela, outre le titre retenu pour l’extrait, suggère une intention, de la part de l’auteur ou du directeur de la revue, de mettre en relief le rôle des nouvelles technologies de la communication au service des pouvoirs institutionnels. Toutefois, la description du vidéophone employé pour contacter la CIA a sauté, de sorte qu’il n’est question que d’un écran dont l’utilisation par Krazava ne bénéficie d’aucun préambule explicatif. Comble de l’ironie, le seul vidéophone désigné comme tel dans l’extrait ne semble pas transmettre d’images, comme s’il ne s’agissait que d’une radio ordinaire.
Le sixième chapitre est un des moments forts du roman de Benoit, un concentré d’action et de poésie futuriste. En excluant l’enlèvement aérien de Patience par Firlipon, l’extrait prend toutefois une tonalité plus sombre, dominée par le récit d’une investigation policière qui avorte dans l’absurde. La date choisie (le 24 juin) permet une lecture nationaliste du texte, les incartades de Roger apparaissant comme une véritable déclaration d’indépendance au mépris des tentatives de répression ou des accusations de manipulation. Dans le cadre du roman définitif, le clin d’œil est moins évident. La nouvelle, plus resserrée, ne dilue pas l’allusion. Dans l’ensemble, le texte soulève plus de questions qu’il ne fournit de réponses, mais il a sans doute piqué la curiosité de ses lecteurs en 1969. [JLT]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 16-17.