À propos de cette édition

Éditeur
Stop
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Stop 154
Pagination
45-58
Lieu
Montréal
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Depuis que sa femme Blanche est disparue un soir de Mardi gras, Violain Laflamme, le maréchal-ferrant du village, est inconsolable. Heureusement qu’elle lui a laissé une fille, Neige, qu’il élève seul depuis vingt ans et sur laquelle il veille avec un soin jaloux. Un soir d’Halloween, il rencontre un type déguisé en diable tout comme lui qui lui propose un marché. Il lui promet gloire, fortune et femmes si Violain chauffe sa forge jour et nuit. Ce faisant, le village est épargné par l’hiver. Le soir du Mardi gras suivant, Violain retrouve sa Blanche mais le diable enlève sa fille Neige.

Commentaires

« Le Violon magique » est un récit original de Raoûl Duguay et de Normand Latourelle qui constitue le cœur de la première partie du spectacle estival Légendes fantastiques présenté depuis 1998 à Drummondville. Cette grande fresque qui mobilise beaucoup de figurants réunit les principales figures du fantastique traditionnel du xixe siècle : un homme qui conclut naïvement un pacte avec le diable, un beau cavalier qui se présente à une fête et qui enlève la plus belle fille du village, un curé qui résiste aux sortilèges du diable, une fête du Mardi gras, etc.

Les auteurs ont ajouté l’Halloween, qui est une fête davantage américaine que canadienne-française et, qui plus est, n’était pas fêtée au xixe siècle. Il est vrai toutefois que c’est une occasion propice aux déguisements et aux débordements et qu’elle sert bien le propos des deux auteurs. Appelons cela un métissage de bon aloi.

Par ailleurs, on peut s’amuser à faire une lecture psychanalytique de ce conte – comme Bruno Bettelheim l’a fait avec les contes de fées. La tentation de l’inceste me semble assez manifeste ici. Pendant vingt ans, Violain élève sa fille et veille jalousement sur elle (qu’il se réserve ?) en éloignant les prétendants. Le désir devenant de plus en plus pressant, le diable accorde à l’homme les faveurs de toutes les femmes qu’il désire. La gent féminine au complet du village défile dans son lit. Puis quand ça devient trop dangereux, le diable enlève sa fille Neige en échange de sa femme Blanche. Le danger d’inceste est conjuré et Violain, dont la sexualité a été étouffée et brimée pendant vingt ans, puis a connu un dérèglement qui menaçait le cadre social, peut maintenant vivre une relation amoureuse normale avec sa femme retrouvée. L’ordre moral de la société est rétabli.

« Le Violon magique » est un conte plein d’allant et de vie. Ma seule réserve, à sa lecture, concerne la forme elle-même. On sent que les auteurs hésitent constamment entre deux formes de narration. Tantôt ils utilisent un conteur qui s’adresse directement au public (au lecteur), qui raconte et commente les faits qui sont présentés aux spectateurs, tantôt le récit et la description de l’action ressemblent à des didascalies qui s’adressent au metteur en scène du spectacle. Visiblement, ce conte est davantage destiné à être vu qu’à être lu.

« Le Violon magique » n’en demeure pas moins un beau conte fantastique qui intègre harmonieusement des thèmes archétypaux comme la légende de Rose Latulipe, le pacte avec le diable et le violon magique (un clin d’œil au « Money Musk » de Louis Fréchette). Il ne dépare pas la galerie de textes de ses illustres prédécesseurs comme Honoré Beaugrand, Faucher de Saint-Maurice ou Pamphile LeMay. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 70-71.