À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
[7 FA ; 2 SF ; 5 HG]
L'Écriture de la nuit
Mazìn taïno
L'Album de photos
Visa pour le réel
L'Œil tranchant
Strip-tease
Zap
Les Vacances
Le Téléphone
Méfiez-vous des cartomanciennes
Le Monde aurait un nom
Le Refuge
Les Fenêtres
La Soustraction
Commentaires
Avec ce quatrième recueil, Bertrand Bergeron remporte pour une deuxième fois le prix Adrienne-Choquette. Visa pour le réel rassemble quatorze nouvelles dont la plupart ont été publiées dans diverses revues du Québec entre 1979 et 1992. La moitié des textes se situent en territoire fantastique.
Bergeron divise son recueil en trois parties. Une langue étrangère montre l’effritement progressif de la réalité, la fascination pour l’étrange et l’émergence de nouveaux langages pour dire l’envers des certitudes. Dans la seconde partie, Ce serait autre chose, l’auteur s’amuse à renverser la banalité du quotidien, à déjouer les faits et gestes qui nous sont coutumiers. Enfin, Ça dépend des mots ramène au tragique, à la souffrance. On y retrouve des murs, des cloisons, des douleurs, des enfances rompues, des êtres en quête d’amour et de tendresse. Plusieurs nouvelles du recueil abordent les relations entre les êtres, les tourments intérieurs, l’absence de communication qui ouvre sur le vide. Bergeron travaille dans la nuance. Les repères temporels s’effacent, livrant les individus à leurs angoisses profondes, à des vérités jamais avouées. La voie est libre pour que fasse intrusion l’étranger, l’étrangeté, le rêve. L’étrangeté se dessine dans les lieux mêmes du quotidien, dans l’émotion d’un moment. Les amants ne se reconnaissent plus, les regards lisent autrement le monde, l’imaginaire fabrique de nouvelles réalités. Bergeron rappelle qu’il n’y aura jamais de certitude entre les êtres, que l’amour ne peut survivre aux règles, que nous ne pouvons contrôler les indicibles qui font aussi la vie. Et puis, il y a l’intensité de l’émotion qui garde vivant ce que nous sommes. Et l’intensité se vit ici dans la peur, le désir, la découverte de l’inconnu, la perte du sens commun. Il faut se défaire de ce qui nous détermine : le regard des autres, les habitudes, les vérités, les contraintes. Bertrand Bergeron est un grand illusionniste ; il sait composer des environnements singuliers avec les couleurs, les bruits, les silences, les distances, les émotions. Il réussit à peindre la fugacité de l’être et l’arbitraire de la réalité. Partout, nous prenons plaisir aux froissements, aux tremblements, aux glissements. En fait, l’auteur se plaît à créer des failles, à provoquer les ruptures pour rendre presque tangibles certaines mouvances intérieures. Les mots explorent ainsi les frontières limites de la réalité. Tout se joue dans la perception.
Visa pour le réel est donc un recueil qui donne accès à des réels autres, à des langages autres. Les nouvelles nous font sentir étrangers à ce monde mais aussi terriblement présents à nous-mêmes. Le vertige est subtil, léger, enivrant. Les réalités s’effritent sans jamais générer d’angoisses à couper le souffle. Au contraire, Bertrand Bergeron ouvre les certitudes avec cette douceur de l’âme qui nous fait tomber sous l’envoûtement. C’est comme si la respiration s’y faisait plus large. Entière. Je ne m’en cacherai pas : j’aime la prose de Bergeron, ses transparences, ses mouvances, ses trajets souterrains, ses rituels. [RP]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 18-20.
Prix et mentions
Prix Adrienne-Choquette 1993
Références
- Beaudoin, Daniel-Louis, Lectures, novembre 1993, p. 11.
- Fortin, Marie-Claude, Voir (Montréal), 20/26-05-1993, p. 26.
- Gagnier, Marie, Le Sabord 36, p. 40.
- Gervais, Jean-Philippe, Solaris 108, p. 37-38.
- Greif, Hans-Jürgen, Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec IX, p. 858-860.
- Péan, Stanley, Québec français 91, p. 17.