À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
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Hormis quelques incursions en SF, Claude Bolduc se consacre presque exclusivement à la pratique du fantastique, de type classique. Pas de prétentions au fantastique moderne (c’est-à-dire du fantastique qui ne veut pas en être) chez cet auteur qui connaît de toute évidence la tradition du genre car ses intrigues reprennent rarement des chemins éculés, sauf s’il souhaite y apporter une variation intéressante. Qui plus est, il se frotte souvent au genre difficile du fantastique humoristique, où le côtoiement des deux registres force l’auteur à une performance de funambule pour en arriver à un juste équilibre qui ne privilégie pas l’un au détriment de l’autre.
Visages de l’après-vie se situe justement dans la veine comique de l’auteur et illustre les dangers du genre. L’introduction donne le ton, avec ses clins d’œil appuyés et assez lourds à l’endroit du lecteur. Et la lourdeur est justement la principale caractéristique de la plupart des textes de ce recueil : lourdeur des effets, lourdeur de la voix de l’auteur. On le sent trop souvent, derrière ses phrases et ses images, succomber à la tentation d’appuyer ses effets, d’insister sur la notation humoristique (à tout le moins ce que lui croit être drôle) pour se faire plaisir ; malheureusement, le résultat est le plus souvent un désamorçage du texte. Je pense par exemple à la curieuse obsession de l’auteur pour les dépôts organiques et textiles inter-orteils ; il semble trouver le sujet amusant, mais ses mentions n’ont comme effet que de faire décrocher le lecteur par l’intrusion d’une grosse blague gratuite.
Comme je le disais, le frisson fantastique peut s’accommoder facilement de l’humour, et celui-ci peut même servir d’amplificateur à l’effet du texte. Je citerai un exemple classique, la nouvelle de M. R. James, « Oh Whistle and I’ll Come to You My Lad », où l’incongruité de la hantise cède vite la place à un frisson de peur authentique. Évidemment, ce n’est pas le propos de Bolduc ici : il veut faire sourire, dans un contexte fantastique. Son erreur a été de ne pas jouer la carte honnêtement. Ses effets d’humour appuyés détruisent la stabilité du texte fantastique et jouent donc contre la réception de ses textes par le lecteur.
Les deux meilleures nouvelles du recueil sont la première et la dernière. Le récit du garde-vampire est très classique, sans grande surprise, mais traite honnêtement le matériau choisi. Pour « Chasse à l’âme », c’est la cohésion du ton qui fait la réussite du texte ; le burlesque de cette poursuite dans l’au-delà fonctionne car il n’y a aucune chute de ton et l’auteur laisse parler son texte.
Bolduc détient un talent certain et plusieurs de ses images sont très efficacement évocatrices : malheureusement, pour un beau tour de phrase comme « les détails sont rongés » pour décrire un crépuscule, combien de « arc-boutée contre les volutes rouges et le mur de son incompréhension ». Il lui faudra apprendre à encore travailler ses textes de manière à les laisser parler d’eux-mêmes, sans les transformer en tremplin pour ses petits effets narcissiques qui ne peuvent que faire grincer les dents du lecteur sans jamais remporter son adhésion. [LP]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 32-33.
Références
- Bélil, Michel, imagine… 65, p. 117-118.
- Moinaut, José, Magie rouge 38-39, p. 27-28.