À propos de cette édition

Éditeur
Atelier du gué
Titre et numéro de la collection
- -6
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Brèves 24-25
Pagination
109-118
Lieu
Villelongue d'Aude
Année de parution
1987
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une femme, la narratrice, est assise dans un train transparent en compagnie de trois autres voyageurs. Un à un, les passagers descendent sur un quai de gare où les attend un être cher. L’homme qu’aime la narratrice n’est pas là pour l’accueillir à son tour. Mais il y a une femme, celle-là même qui est déjà descendue à un arrêt précédent…

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Commentaires

La nouvelle d’Aude a pour point de départ une image courante dans la SF et le fantastique québécois. Tour à tour, Esther Rochon, Marc Sévigny, Marie José Thériault et Huguette Légaré – la liste pourrait s’allonger – ont utilisé le thème du train comme métaphore de la quête ou du passage dans un autre monde. À cet égard, une lecture parallèle de « Dans la forêt de vitrail » de Rochon et du texte d’Aude me semble particulièrement révélatrice d’un certain imaginaire féminin et de ses thèmes. L’entreprise d’Aude n’en est pas moins originale et s’affirme comme une des plus éclatantes réussites de l’année en littérature fantastique.

Dans « Les Voyageurs blancs », l’auteure se livre à un méticuleux travail sur la mémoire et sur les émotions. Les paysages extérieurs qui défilent devant les personnages à bord du train constituent probablement la matérialisation de leurs paysages intérieurs, l’exacte projection de leurs désirs et de leurs aspirations. Ce trajet transforme les personnages, leur permet de communiquer et de se comprendre parce qu’ils sont pleinement eux-mêmes. Tout porte la marque du dépouillement et de la sincérité la plus complète, à la fois envers eux-mêmes et les autres. Ils sont entièrement vêtus de blanc et cette simplicité, perceptible aussi dans leur attitude, traduit leur état d’âme et la retenue de leurs émotions.

Pourtant, l’auteure ne tourne pas le dos à l’émotion. Certains effets poétiques rendent de façon très intense la souffrance et le vécu des personnages. Aude évite cependant de tomber dans le lyrisme romantique grâce à une écriture parfaitement équilibrée, trouvant constamment le mot juste et la phrase pleinement adéquate.

L’auteure se sert ici du fantastique de la façon la plus valable qui soit, dans le cadre d’une conception moderne et analogique du genre, conception qui est mienne, en transposant une situation réelle pour lui donner une autre réalité, en développant une métaphore des problèmes concrets. En donnant au fantastique une valeur positive, elle redéfinit en partie cette littérature qui repose principalement sur la rupture, les fantasmes et les effets parfois démesurés. Son fantastique change le réel plus qu’il ne le déconstruit. En fait, il fusionne entièrement avec le réel.

« Les Voyageurs blancs » a la qualité et la réalité des rêves les plus réalistes. Il en a aussi la complexité car le personnage de la narratrice est un être en évolution, qui n’a pas fini son trajet à la fin du récit. La nouvelle d’Aude est tellement riche au niveau des interprétations symboliques et esthétiques que je n’ai pas le goût de favoriser l’une plutôt que l’autre. Je laisse au lecteur le soin de les choisir selon ses inclinations. Je préfère me laisser porter par chacune d’elles. C’est un récit qui reste longtemps en nous, qui y grandit. Bref, il porte la marque des grands textes. [RB]

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 18-19.