À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Même les loups ont peur des Zogmes, ces créatures verticales prédatrices des autres Zogmes : ils traquent les loups, les capturent, les dressent ou les tuent, comme ils le font de toutes les autres créatures vivantes. Au reste, ils ont expliqué et donc asservi la nature tout entière, et ne craignent plus rien. Leur toute-puissance est telle que leur semence finit par métamorphoser tous ceux qui ont réussi à survivre tant bien que mal à leurs déprédations – et qui un jour s’éveillent en zogmes. Mais qu’advient-il le jour où tout a été transformé ? Un matin, même des agneaux n’ont plus peur.
Commentaires
Les lecteurs de Solaris se rappelleront peut-être deux textes d’André-Guy Robert publiés dans les numéros 60 et 61, « La Prison » et « La Gravité », textes qui se situaient dans ce « territoire de l’inquiétude » que la SF partage avec le fantastique et la littérature-tout-court par le biais d’une imagerie surréaliste, ou kafkaïenne, comme on l’avait dit avec raison à l’époque dans L’ASFFQ.
Cette nouvelle production d’André-Guy Robert indique que l’auteur continue à patrouiller dans le même territoire. Le court texte qu’il signe ici nous le montre aussi lorgnant du côté de la poésie : les phrases courtes séparées par un point mais qui pourraient aussi bien l’être par un retour à la ligne, le rythme haché, incantatoire, les répétitions avec variantes, toujours à quatre termes (comme les quatre éléments dans la philosophie antique ?), les images en raccourcis denses qui éclatent comme des flambées soudaines.
Et, comme de la poésie, le texte est équivoque, doté de multiples voix, de multiples voies : de multiples sens. Ces Zogmes ravageurs, ce sont aussi bien les hommes de notre civilisation moderne dressés contre la nature que les ogres également universels des contes, passé, présent et futur rassemblés en un moment compact, lyrique et furieux… ou même encore les dogmes destructeurs des êtres comme des cultures.
Il serait possible, mais enfantin, de dresser un parallèle terme à terme entre ce texte et les déprédations écologiques précises qu’il attaquerait dans le « monde réel » : la réalité a, en fait, été ici fondue au creuset de l’imaginaire poétique, et ainsi transcendée – vers le bas, cependant. C’est du moins ce que me laisse à penser la dernière phrase du texte, nettement séparée du reste – on a passé une ligne et choisi le caractère gras – et que j’ai citée dans mon résumé : « Un matin, même des agneaux n’ont plus peur. » Le symbole de la faiblesse et de l’innocence, transformé en Zogme, n’a plus peur. Ce ne peut être une transformation positive… et que dire du substrat peut-être religieux de cette finale ? [ÉV]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 159-160.