À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
À Béthély, en 476 A.G., Lisbeï, cinq ans, joue seule dans un coin de la garderie ouest, au moment où entre une petite mosta avec laquelle elle se sent aussitôt en affinité : Tula, sa demi-sœur, avec qui elle partagera d’emblée une sorte de résonance intime qu’elle appellera la « Lumière ». Au fil des mois et des ans, cette sorte de symbiose est cependant menacée à trois reprises. Tout d’abord, Tula est atteinte par la Maladie, celle qui décime beaucoup d’enfantes du Pays des Mères, celle dont on meurt ou dont on guérit immunisée contre les autres maladies ; mais elle en réchappe. Ensuite, Lisbeï est transférée chez les grandes mosta, ce qui mettrait fin à leurs rapports si elles ne se retrouvaient en cachette, la nuit. Mais lorsque Lisbeï est à son tour atteinte par la Maladie, et en guérit, elle ne retourne plus à la garderie : Selva, sa mère, qui est aussi la Capte, la désigne comme sa successeure, la future Mère de Béthély, et lui trace un programme spécial d’études. Lisbeï ne peut plus rejoindre Tula et, lorsque celle-ci sort à son tour de la garderie, elle boude sa demi-sœur. Elles ne se retrouveront qu’au moment où Lisbeï, qui a eu le bras cassé, s’enfonce dans un coma analogue à celui de la Maladie, et dont Tula l’aide à sortir.
À 14 ans, Lisbeï n’est toujours pas menstruée. Si la situation ne change pas au cours des deux années subséquentes, elle ne pourra devenir la Capte ; dans cette éventualité, Tula suit un programme accéléré d’études qui lui permettra de la remplacer, cependant que Lisbeï se recyclera pour devenir « Mémoire ». Grâce à des légendes, elle trouve un ancien souterrain, puis le cadavre emmuré d’une des Compagnes de Garde la Messagère d’Elli, ainsi qu’un carnet qui contredit certains éléments de la version officielle de la vie de Garde. À l’encontre de l’avis de Selva, Lisbeï dévoile l’existence du carnet à l’Assemblée des Mères. Peu après, pour échapper à la réprobation générale, elle s’exile à Wardenberg.
Au cours des dix années suivantes, elle étudie à la Schole, de plus en plus persuadée que contes, proverbes et légendes peuvent servir d’indices à d’éventuels sites de récupération comme le « Sanctuaire » du territoire de Zirfell, qu’elle visite avant d’aller rejoindre, à Amsherdam, le groupe avec lequel elle doit effectuer son stage de patrouilleuse. De retour à Wardenberg, elle se voit contrainte de révéler sa véritable identité au cours d’une conférence pendant laquelle Kélys, une Noire qui lui sert épisodiquement de mentor, est accusée d’avoir été de mèche avec elle à propos du carnet de Halde.
Plus tard, lors d’un solstice d’été, elle participe pour la première fois à la Célébration et, sous l’effet de la drogue, vit une rencontre équivoque avec Toller, le frère jumeau de Guiséia, une jeune femme dont elle a repoussé, à deux reprises, les avances. Finalement, elle déchiffre, dans le carnet, des indices d’un site important de récupération dans le territoire de Belmont. Plus tard, elle réussira à décoder la partie incompréhensible du Carnet de Halde, ce qui lui permettra de découvrir que Garde venait des Mauterres, où il existe peut-être encore des communautés inconnues du Pays des Mères. Lisbeï voudrait bien s’en assurer mais, devenue enceinte alors qu’elle se croyait stérile, elle doit renoncer à ce projet et n’aura plus jamais l’occasion d’y donner suite.
Après sa mort, c’est Cheïré, alias Kélys, père incognito de Lisbeï et de bien d’autres, dont Guiséia et Toller, qui tire, des documents personnels que lui a laissés celle qui avait peut-être fini par soupçonner sa véritable identité, un récit destiné à convaincre les gens des Mauterres qu’il serait temps de prendre contact avec le Pays des Mères.
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Commentaires
À prime abord, le cadre est insolite : « Béthély, 476-486 A.G. », – nous ne connaissons ni ce lieu, ni cette chronique. Mais nous apprenons peu à peu, en même temps que le personnage principal, Lisbeï, que Béthély fait partie de la Litale, une province du Pays des Mères, comme l’Escarra, la Brétanye et la Baltike. Ces noms, confirmés un peu plus loin par une allusion à la mer Tiranée près du lac Sahra, nous disent à la fois que l’histoire se déroule sur Terre, et, par leur déformation linguistique, qu’il s’agit de la Terre du futur. Nous constaterons aussi progressivement que si certains des personnages sont physiquement et psychiquement analogues à nous, d’autres sont hétéromorphes par leur longévité, par leur immunisation contre les maladies, ou par ce pouvoir de métamorphose qu’il nous faut bien attribuer à Cheïré pour comprendre qu’il ait pu être Kélys comme Haller fut Hallera, et Ari, Ariane. Mais puisque ces transformations sont rationalisées en termes de mutation, le futur du Pays des Mères ne comporte pas d’historicisation implicite, c’est-à-dire d’éléments archaïques, comme la magie, projetés dans l’avenir : il relève bien de la science-fiction et non de la fantaisie.
Ce qui permet à cette séquence dramatique très sobre de s’épanouir sur plus de 500 pages, c’est l’attention prédominante accordée aux éléments psychologiques et aux idées. Les premiers ont principalement trait à ce qu’éprouve Lisbeï, non seulement par rapport aux événements qui affectent son existence, mais aussi dans ses relations avec d’autres personnages : Tula d’abord, puis Selva, et Kélys/Cheïré, et ses amies de Wardenberg, et Guiséia, et Toller, etc. Quant aux idées, elles confèrent au roman sa dimension utopique, que l’on peut analyser en termes d’origine du Pays des Mères, et de structures de son organisation.
Une origine fort complexe, d’ailleurs. La chronologie du Pays des Mères se définit par rapport à l’année où les lettres de Garde, la Messie d’Elli, furent transmises à la première Capte de Béthély. Ce moment met fin à l’époque des Ruches (durée : environ 100 ans), laquelle succédait aux Harems (durée : environ 145 ans), eux-mêmes engendrés par le Déclin, c’est-à-dire par notre époque, dont la dernière date connue, 2120, se situe au moins 1000 ans avant l’an 492 A.G. (après Garde), alors que Lisbeï a 16 ans. Le Déclin a connu d’importants bouleversements climatiques qui ont entraîné la fonte des glaces et modifié la face des continents, tout en provoquant des mutations génétiques qui ont, entre autres, diminué radicalement le nombre des naissances masculines. Au temps des Harems, les hommes, même s’ils étaient moins nombreux, tenaient les femmes en esclavage. Celles-ci, sous la direction des Juddites, se sont cependant révoltées et ont pris le pouvoir, instaurant l’épisode des Ruches alors même que Garde, qui prêchait la paix d’Elli, était capturée et exécutée à deux reprises. Et ce n’est que lorsque son message a donné naissance à un nouveau mode de vie qu’est né, environ un siècle plus tard, le Pays des Mères.
Politiquement parlant, celui-ci est « une fédération assez lâche de provinces, elles-mêmes constituées d’une fédération fort souple de Familles » (p. 218) dont chacune, correspondant à une lignée matrilinéaire et occupant une cité ainsi que son territoire, est dirigée par une Capte, une Mère qui obéit aux lois « comme tout le monde », et qui prend régulièrement conseil auprès de l’Assemblée de Famille, qu’elle représente annuellement soit à l’Assemblée provinciale, soit à l’Assemblée des Mères. Les hommes ne participent à aucun de ces paliers de gouvernement.
Sur le plan économique, chaque cité vise à l’autarcie. Sauf à Wardenberg, industrialisée grâce à son barrage hydroélectrique, la production est plutôt artisanale. À Béthély, en dépit des machines auxquelles est réservée l’énergie hydraulique, presque tout se fait à la main. Les échanges reposent sur le troc. L’information est transmise par des « courrières », voire par des « pidges voyageuses ». Chaque travailleuse, même si elle a une spécialité, s’adonne à différents types d’activités et, à Béthély, où l’alimentation est strictement végétarienne, il y a du travail pour tout le monde. La population du pays augmente cependant sans cesse, à tel point que les possibilités d’expansion territoriale, limitées par les Mauterres encore contaminées, sont à peu près épuisées, et qu’il faut construire une flotte pour aller explorer à l’ouest.
Pour Aristote, qui a influencé à cet égard toute la pensée occidentale, la famille constituait la molécule de base de la cité, alors que pour Platon elle correspondait à la classe des gardiens et des gardiennes de la République. Le Pays des Mères, en ce sens, est platonicien : la Famille y est une collectivité regroupant presque tous les habitants d’une Cité, sans unités parentales de base. Peu nombreux, les hommes servent avant tout à la reproduction : ils font leur « Service » dans des Familles différentes de la leur et dont les gènes sont compatibles, chaque séjour durant deux ans. Sauf dans le cas de la Capte et de son Mâle, l’insémination artificielle est de rigueur. Pendant une quinzaine d’années, les femmes, de leur côté, enfantent aux deux ans, à cause du fort taux de mortalité infantile et du manque de garçons.
Dès sa naissance, une enfante, après avoir été reconnue officiellement par sa génitrice, est remise aux nourrices. C’est en garderie qu’elle passe toutes ses années de Verte. À la puberté, devenue Rouge, elle travaille et fait des enfants, jusqu’à 35 ans. Après quoi, devenue stérile, elle est une Bleue, elle peut « commencer à vivre ». Le sort d’un homme est différent : « Être un Rouge et ne pas être choisi. Ou être choisi et devoir partir tout le temps. Devenir un Bleu et n’avoir plus nulle part où aller. N’avoir qu’une seule utilité dans l’existence et ne servir à rien après ! » (p. 241). Dans un tel contexte, il va de soi que l’amour entre humaines n’a « absolument rien à voir avec la production des enfantes » (p. 118), non plus qu’avec les hommes ; le compagnonnage entre sœur et demi-sœur est cependant très mal vu en Litale, et il est interdit si une Capte est en cause.
En ce qui a trait aux principales dimensions de la culture, le premier trait remarquable est sans doute le langage. Dès le cinquième paragraphe, en effet, on lit : « Ce n’est pas comme Rubio, Turri et Garrec qui jouent toutes seules aussi dans un autre coin – mais on dit « tout seuls » pour Rubio, Turri et Garrec ; on dit « ils » ; on dit « les garçons » (p. 14). Dans la langue du Pays des Mères, ce n’est plus le masculin en effet qui domine, mais le féminin, tant sur le plan lexical, où certains mots masculins sont devenus féminins sans changer de forme (« amour », « insecte ») ou en se transformant (« buffale », « printane »), et où les néologismes sont d’emblée féminins (« pérégrine », « auditante »), qu’en ce qui a trait aux accords (« tout le monde avait été punie »).
Parallèlement, une bonne moitié du récit consistant principalement en un roman de formation, le système éducatif est mis en évidence : à Béthély, les petites mosta n’apprennent presque rien avant l’âge de sept ans parce que trop d’entre elles meurent prématurément ; ensuite, on leur enseigne la Parole d’Elli, la lecture, l’écriture et le calcul ; une fois sorties de la garderie, elles continuent leur apprentissage tout en s’initiant à diverses activités ; et la Schole, l’équivalent de l’Université, n’est fréquentée que par celles qui acceptent de faire un séjour à Wardenberg, devenu le centre de recherches du Pays des Mères.
Sur le plan religieux, Elli a remplacé toutes les divinités des époques antérieures, et l’histoire de la création, tout comme celle de sa porte-parole (Garde) ainsi que son culte, sont gynocentriques. Enfin, du point de vue philosophique, on peut souligner l’apologie de la non-violence, l’insistance sur la nécessité d’harmoniser la fin avec les moyens (« la fin est dans les moyens »), et l’effort constant de Lisbeï de ne jamais s’enfermer dans une perspective unilatérale parce qu’il y a toujours plus d’une façon de considérer une chose ou un événement.
Le roman lui-même illustre cette philosophie de la diversité ouverte au changement. Il l’illustre d’abord dans sa forme, où le point de vue dominant de Lisbeï est modulé d’une part par des extraits de son journal qui, à l’occasion, rompent la linéarité chronologique en commentant a posteriori les événements racontés ; d’autre part par des lettres d’autres personnages ayant leurs propres préoccupations ainsi que leur propre façon de voir les choses. Mais il l’illustre aussi en introduisant, dans chacune des structures constitutives du Pays des Mères, des variantes significatives. Politiquement, par exemple, les Traditionalistes s’opposent aux Progressistes, mais il y a des Traditionalistes pragmatiques et des Progressistes plus ou moins modérées, de sorte que la polarisation idéologique s’inscrit en fait dans un continuum comportant plusieurs médiations.
Économiquement, Wardenberg préfère au troc un système de crédit, et Angresea croit à l’auto-suffisance des cités archaïques. À Wardenberg encore, la notion de famille a aussi un sens restreint, celui d’une « sous-Lignée à laquelle on appartenait, c’est-à-dire de l’ensemble des personnes avec qui l’on vivait dans son quartier et plus précisément encore au groupe de personnes avec qui l’on vivait dans son “bloc”, son “immeuble” ou sa “maison” » (p. 234) ; une mère peut même allaiter sa propre enfante et habiter avec elle au lieu de la remettre à une garderie. Culturellement parlant, la langue de Wardenberg et celle du journal de Garde sont différentes ; l’éducation des hommes diffère de celle des femmes ; et à l’Ouest, on ne croit pas en Elli. Mais c’est du point de vue de l’utopie que la diversité est la plus remarquable.
En termes de politique sexuale, le pouvoir appartient soit aux hommes (androcratie), soit aux femmes (gynocratie), soit aux unes et aux autres (société androgyne) ; de plus, le modèle proposé peut être, par rapport à la société de référence, meilleur (eutopie) ou pire (dystopie) ; enfin, selon qu’elle opprime plus ou moins la classe dominée, la dystopie est « noire » (style 1984) ou « rose » (style Le Meilleur des mondes). Or le roman de Vonarburg, et cela n’est pas un mince tour de force, illustre tous ces modèles.
Les Harems, qui avaient réduit les femmes en esclavage, constituaient une androcratie dystopique. En inversant simplement la situation, en n’hésitant pas, par exemple, à sacrifier les mâles stériles lors de la Célébration, les Ruches se sont érigées en gynocratie dystopique aussi noire pour les hommes que le pouvoir antérieur l’était pour les femmes. Pour celles-ci, le Pays des Mères, en dépit de certains inconvénients liés au mode de reproduction, est une gynocratie plutôt eutopique ; cette dernière reste dystopique pour les hommes, mais leur sort étant moins pénible qu’à l’époque précédente, il s’agit d’une dystopie rose. Et à la fin du récit, quand les hommes ont de plus en plus accès non seulement aux Jeux annuels, mais aussi aux Assemblées, le Pays des Mères évolue tranquillement vers une société androgyne.
Cette société multiforme n’est pas sans rappeler certains traits observables dans le corpus des utopies féministes. Ainsi, l’opposition dans un monde post-catastrophique entre une communauté occulte et un « Dehors » caractérisé par le déséquilibre démographique entre les sexes et par la présence de mutations, un Dehors dont on tente d’infléchir génétiquement l’évolution, c’est un peu l’armature du Silence de la Cité, que l’on pourrait maintenant relire comme une histoire du temps des Harems. Des territoires inhabitables et un pays peuplé de cités dominées par les femmes, c’est The Door to Women’s Country (Sheri Tepper). L’expulsion des renégates à l’extérieur des cités dans une contrée hostile, c’est The Shore of Women (Pamela Sargent). Une gynocratie eutopique pour les femmes mais modérément dystopique pour les hommes, c’est The End of This Day’s Business (Katharine Burdekin). La catégorisation des personnes symbolisée par la couleur de leurs vêtements, c’est La Servante écarlate (Margaret Atwood).
Influences subies ? Que Chroniques du Pays des Mères n’ait été publié que quatorze ans après avoir été entrepris (en 1978), comme en témoigne l’auteure dans une entrevue (Solaris 106, p. 39-50), cela permet de disposer en partie de cette hypothèse. Mais même en l’absence d’un tel témoignage, ce qu’il importerait de souligner, c’est la similitude, plusieurs fois remarquée par les critiques, des thèmes et des valeurs véhiculés par les utopies féministes. Parler d’influences, à leur propos, serait trivial. Il s’agit plutôt d’une atmosphère idéologique commune, et d’impératifs génériques : à un certain niveau d’abstraction, les ressemblances entre utopies féministes sont aussi inévitables que les bagarres et les astronefs dans un opéra galactique.
En ce sens, et en dépit de quelques incorrections linguistiques mineures ainsi que d’un certain flou dans sa chronologie, Chroniques du Pays des Mères, par la multiplicité des modèles de société qu’il met en scène, par son souci d’imbriquer les unes dans les autres les diverses structures sociétales qu’il déploie, par son attention constante à la complexité et à l’ondoiement de la vie, par son habileté à feuilleter une narration qui aurait pu être platement linéaire, par son ingéniosité à transformer l’écriture de la langue française sans en compromettre la lisibilité, par son choix de métaphores « féminines » et par la richesse de son invention lexicale, en particulier en ce qui a trait aux noms des personnages, peut être considéré comme la quintessence des utopies féministes contemporaines. Nulle surprise, donc, que, publié simultanément en français et en anglais, il ait collectionné les prix : Prix Boréal 1993, Grand Prix Logidec de la science-fiction et du fantastique québécois, Prix Aurora… [GB]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 197-202.
Prix et mentions
Prix littéraire du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean (Roman) 1993
Prix Boréal 1993 (Meilleur livre)
Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1993
Références
- Anonyme, Le Libraire 5, p. 8.
- Dardinier, Bernard A., Nous les Martiens 23.
- Lamontagne, Michel, Solaris 104, p. 55-56.
- Martel, Clément, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec IX, p. 151-155.
- Martin, Christian, Temps Tôt 22, p. 46.
- Mirandette, Marie-Claude, Le Devoir, 04/05-12-1999, p. D10.
- Navarro, Pascale, Voir, 11/17-11-1999, p. 17.
- Nicot, Stéphane, Galaxies 3, p. 158-159.
- Pelletier, Francine, Samizdat 24, p. 41-42.
- Thomas, Pascal J., KWS 5, p. 5-8.
- Trudel, Jean-Louis, The New York Review of Science Fiction 61, p. 20, 22-23.
- Vennat, Pierre, La Presse, 08-04-1993, p. D-7.