À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Tu t’appelles Kathryn Rhymer et tu cours dans les couloirs du Central. Tu poses la bombe qui détruira le Pont, qui détruira ta vie, à moins que tu ne t’échappes par le Pont. Mais où t’éveilleras-tu, toi qui n’as pas le cerveau vidé ? Une terre étrange, que tu dois analyser, apprivoiser, comprendre. Dans le grand arbre, il y a la bête, que tu mets en cage d’abord, puis qui te tient compagnie. Ce n’est que plus tard que tu rencontres Rirk, qui t’enseigne la langue des Marrous et ses concepts étranges. Puis tu apprendras qu’une autre terrienne est ici, sur l’autre continent, et tu n’as de cesse de la rencontrer. Et tu me rencontres, moi qui suis toi, toi qui es moi. Mais moi qui suis ici depuis dix ans, j’ai reconstruit le Pont, et je repartirai encore et encore, tout comme toi un jour, et toutes les autres Kathryn qui voyagent pour enfin trouver leur vraie place.
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Commentaires
« Le Pont du froid » fait bien sûr partie du cycle des Voyageurs du Pont. Typique de la manière Vonarburg, cette nouvelle offre plusieurs degrés de lecture, le plus intéressant n’étant certes pas le plus primaire car ce texte, relativement long et très dense, est d’un statisme éloquent. Peu d’action, donc, mais surtout une volonté ferme de ne pas verser dans l’exotisme touristique. Si le dépaysement doit exister, il ne servira que de catalyseur aux interrogations et monologues intérieurs de l’héroïne.
Cette décision, sous une autre plume, aurait pu mener au désastre. Ici, dans « Le Pont du froid », ce choix s’avère le seul valable. Car le décor n’existe effectivement que par les méandres de la psychologie tourmentée de l’héroïne. Des héroïnes, devrais-je dire, puisque Kathryn découvrira qu’elle n’est pas unique, que, dans ces univers parallèles qui se coupent et recoupent, ses moi se promènent allègrement. Ou plutôt se cherchent…
Métaphore scientifique de la recherche de soi, le Pont devient alors l’instrument privilégié de Kathryn. Grâce à lui, au tout début du texte, elle s’échappe de son univers concentrationnaire, grâce à lui, à la fin, elle se découvre elle-même, grâce à lui, enfin, le lecteur est à même de supposer qu’elle continuera sa recherche intérieure.
Sur les symboliques multiples des scènes et séquences, je passerai rapidement, non sans faire remarquer la flagrance du passage-à-travers-le-miroir du Pont, de la matrice originelle de la mer et de l’eau, tiède, salée, rouge, du séjour gestatoire dans la gigantesque fleur, de la rencontre avec la bête, cet adolescent Marrou dévolutif – belle image du refoulement, de l’abdication, de l’attirance du renoncement qui taraudent Kathryn –, de l’apprentissage du langage des Marrous, initiation aux modes nouveaux de conceptualisation, etc.
Quant à l’écriture, si elle ne simplifie pas la compréhension, elle n’en demeure pas moins intransigeante dans le choix de ses mots, précise dans sa construction. Le choix de la deuxième personne, s’il surprend au départ, s’explique lors de la rencontre de l’autre Kathryn qui, elle, s’exprime bien sûr à la première personne. Cette rencontre est d’ailleurs l’un des points tournants de la nouvelle, à mon avis, tant au niveau du fond que de la forme.
« Le Pont du froid » est un des textes les plus exigeants de Vonarburg qui, bien qu’il ait été écrit en 1977 et publié en 1980, n’a pas pris une seule ride. Mieux, puisque nous pouvons maintenant le lire avec le recul des années et des autres textes du cycle des Voyageurs du Pont parus depuis lors, il s’est réactualisé et a acquis une nouvelle dimension. [JPw]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 186-187.