À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un homme cherche à regagner la ville qu’il aperçoit au loin dans le noir mais s’en éloigne constamment. Après avoir longé un mur pendant des heures, il débouche dans une rue inanimée et y rencontre ce qui semble une superbe Eurasienne. Elle l’entraîne dans d’autres rues semblables et dans maints détours jusqu’à un immense parc gazonné où se promènent quelques inquiétants échassiers cyclopes. Là est dressée une table de festin auquel il sera appelé à participer pour la plus grande satisfaction de plusieurs créatures, toutes identiques à l’Eurasienne.
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Commentaires
Variation sur le thème des goules, de la femme fatale, « Les Cyclopes du jardin public » est un des textes les plus terrifiants de la littérature québécoise. Cette efficacité tient à la remarquable maîtrise de l’écriture qui distille lentement un malaise tout au long du récit, malaise qui culmine à la toute fin quand éclatent la cruauté extrême et l’horreur.
Marie José Thériault installe d’abord un décor qui a toutes les apparences de la réalité mais dans lequel les lois naturelles du monde (le temps, l’espace) sont perverties, à peine compréhensibles et inconciliables avec l’esprit humain. Le personnage masculin, qui s’y abandonne à une lente dérive incertaine, commence à douter de son identité et de ses sens.
Dans un deuxième temps, la rencontre de la créature qui ressemble à une Eurasienne rassure le protagoniste pendant que l’environnement continue d’être perçu comme une menace. La tension qui naît de l’opposition entre le décor inquiétant et la créature rassurante se métamorphosera en horreur quand les données seront inversées.
« Les Cyclopes du jardin public » pousse loin le raffinement dans la cruauté et la perversité. Ce cauchemar surréaliste est servi par un style d’une grande richesse au plan du vocabulaire et des images. Il faut souligner particulièrement la création des échassiers cyclopes qui ne dépareraient pas un bestiaire fantastique.
Marie José Thériault a écrit un texte d’une poésie vénéneuse, aux frontières de la beauté et de l’horreur, qui fait écho aux textes de Baudelaire. J’en suis encore ébranlé. [RB]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 173-174.