À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Mirka, dix ans, est préoccupé par la Louïne qui aura lieu prochainement. Alors que ses amis anticipent avec plaisir cette fête déterminante pour les jeunes, il ne sait pas encore en quoi il va se déguiser mais surtout, il se demande s’il doit obligatoirement le faire. Il consulte Grand-Mère, sa confidente, qui le rassure sur son inclination. Mirka est maintenant prêt à assumer ses choix, conforté en outre par sa rencontre impromptue avec sa mère, une métamorphe comme lui.
Commentaires
Il est assez fascinant de voir comment Élisabeth Vonarburg s’y prend pour détourner brillamment le sens de la fête de l’Halloween – thème imposé par le collectif Le Bal des ombres – pour en faire un rite de passage crucial dans la culture de Mirka et de son peuple. Sous sa plume, le déguisement, associé à cette fête dans la société occidentale actuelle, va jusqu’à la transformation physique, la métamorphose, un motif récurrent dans l’œuvre de Vonarburg. Cette possibilité de modifier son corps, de devenir un animal ou de changer de sexe est au cœur des questions d’identité que vivent les métamorphes.
Mirka est issu de l’union d’un Immuable et d’une métamorphe. Depuis qu’il est tout jeune, on lui a appris à utiliser ses facultés pour se transformer mais il demeure indécis et mal à l’aise face à ce pouvoir. L’auteure montre ainsi avec sensibilité toute l’ambiguïté de la nature humaine qui contient une part d’animalité, exprimée par ce désir de prendre la forme d’un animal, le risque pour les métamorphes étant d’oublier leur humanité.
L’auteure évite d’établir une hiérarchie dans les choix de vie qui s’offrent à Mirka : vivre en dehors du village avec les Immuables ou adopter le mode de vie de sa mère qui revêt l’apparence d’une tigresse blanche. L’important est de pouvoir exercer un choix librement, sans pression extérieure. C’est ce que Grand-Mère, figure tutélaire là encore récurrente dans l’œuvre de Vonarburg, fera comprendre à Mirka. Disposer de la liberté de choisir, de suivre son propre chemin, d’écrire sa propre histoire, c’est une belle leçon à donner aux jeunes, je trouve.
Si « La Louïne » propose peu d’action, elle abonde en revanche en réflexions existentielles sur l’harmonie intérieure, sur l’importance de se sentir bien dans sa peau, toutes choses qui se situent au cœur des préoccupations des adolescents. L’auteure ne sous-estime jamais le lecteur : expliquant la nature des phéronomes, elle exprime sa profonde conviction que l’être humain n’est pas conscient des immenses possibilités de son corps, cette formidable machine susceptible de lui faire voir le monde sous divers angles.
À ses débuts, Élisabeth Vonarburg avait recours à la technologie (le pont du froid) pour expédier ses voyageurs et voyageuses dans divers univers parallèles ou scénarios de vie. Cette exploration des possibles autres passe maintenant par le rapport au corps, par la maîtrise des neurotransmetteurs à la suite d’une mutation. C’est pourquoi on ne peut s’empêcher de voir dans « La Louïne » des germes (inconscients, peut-être) de la saga Reine de mémoire.
« La Louïne » est un beau récit d’apprentissage dont l’écrivaine a su exploiter avec finesse quelques-unes des immenses possibilités offertes par le thème du métamorphe. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 199-200.