À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Fumiko rentre au Japon après trente ans d’absence. Aucun membre de sa famille ne l’attend à l’aéroport de Sapporo. Malentendu sur la date de son arrivée. Sa nièce Junko vient la chercher le lendemain à son hôtel, puis Fumiko prend l’autocar pour se rendre chez son frère aîné, à Otaru. Descendue à l’arrêt en pleine tempête de neige, isolée dans la nuit noire en rase campagne, Fumiko attend un taxi qui la mènera chez son frère. Quand le chauffeur se présente finalement, elle a retrouvé ses vingt ans.
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Commentaires
J’aime la manière d’Ook Chung. Il y a chez lui une douceur et une retenue toute orientales dans l’évocation des sentiments de ses personnages. C’est feutré mais cela n’en demeure pas moins émouvant et touchant.
En une dizaine de pages, l’auteur esquisse le portrait d’une vie ordinaire qui n’a pas tenu ses promesses. Partie au Canada avec son mari aventurier – qui pourrait bien être le chauffeur de taxi qui vient la cueillir à la fin –, Fumiko revient au Japon, laissant derrière elle son ex-mari et ses enfants. Déçue de sa vie au Canada, elle n’idéalise pas pour autant son pays natal et critique son conservatisme quand elle voit à quel point sa nièce Junko se plie à son devoir d’épouse, elle dont le talent de pianiste aurait pu la propulser vers une carrière internationale.
« La Prison de cristal » est un texte raffiné qui rend compte subtilement de la condition féminine. L’exergue tiré de l’œuvre de Sylvia Plath nous avertit en quelque sorte des intentions d’Ook Chung.
La clé de la nouvelle réside dans cette boule d’eau que l’héroïne transporte dans ses bagages et qu’elle compte offrir aux enfants de sa nièce : « Elle contempla longuement la neige de riz et le cabanon de bois emprisonné à l’intérieur de la coque de verre, devant lequel se tenait une petite figurine solitaire. » Cet objet, c’est la prison de cristal du titre de la nouvelle et il symbolise toute sa vie : « la neige de riz » et « le cabanon de bois » font écho aux idées reçues des Japonais sur le Canada et, nommément, le chauffeur de taxi car il paraît que « l’hiver dure la moitié de l’année et que les gens vivent dans des cabanes de bois ».
La figurine solitaire, c’est évidemment Fumiko. À la fin, grâce peut-être à la bienveillance de sa sœur cadette Etsouko, suicidée il y a quatorze ans, qui l’invite à renouer avec le sacré en l’attirant dans un temple, elle retrouve sa jeunesse et brise les murs de sa prison.
Une très belle nouvelle, qui ne déplairait pas à Aude ou à Esther Rochon. La fin dégage une sérénité nourrie par la perspective d’un recommencement. Ou n’est-ce pas plutôt la mort ? [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 60.