À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Une biosculpture attachée à son piédestal représente le Sphinx. Le jour, elle se charge d’énergie solaire et vit plus rapidement ; la nuit, son existence est lente. Au crépuscule, elle est en mesure de communiquer avec les passants, de répondre à leurs questions. Avec le temps, elle a fini par comprendre que ce ne sont pas que les réponses préprogrammées de son créateur Angkaar qu’elle récite : il y a là quelque chose d’elle, de son expérience de maintenant dix années. Elle observe le monde, ralenti le jour, accéléré la nuit ; elle se souvient…
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Commentaires
Une très belle nouvelle que celle-là, où les artifices de la ponctuation rendent superbement l’accélération et le ralentissement de l’esprit de la narratrice ; ne serait-ce que pour ce détail, elle vaudrait déjà la peine d’être retenue. Mais il n’y a pas là que simple virtuosité technique : Élisabeth Vonarburg met en scène un personnage marquant, original, dont le regard est très différent de la norme humaine mais demeure compréhensible : on se prend à penser qu’au fond, les premiers étrangers que rencontrera la race humaine seront probablement ses propres créations.
Les rationalisations techno-scientifiques ne sont pas le fort de Vonarburg ; on s’est habitué à lire sous sa plume des textes où l’élément SF garde une valeur nettement plus symbolique que prédictive – ce qui ne constitue en rien un frein à la qualité, entendons-nous bien, mais qui permet aux esprits mesquins de vétiller, manuel de chromodynamique quantique en main. Ce texte-ci, sans relever de la hard science, m’a paru tout à fait crédible du point de vue scientifique.
« … Suspends ton vol » est inévitablement un texte statique, de par la nature même de la narratrice, qui ne peut bouger de son piédestal. Il aurait pu y avoir là un problème entre les mains d’un écrivain moins accompli. Mais la narration du Sphinx révèle une trajectoire psychologique complexe et riche, évoque en filigrane l’histoire d’Angkaar et laisse entrevoir le destin de ses artefacts. Le Sphinx ne va peut-être en apparence nulle part, mais son récit de voyage apporte au lecteur bien plus qu’un simple divertissement. Ceux qui ont déjà lu les nouvelles de Vonarburg qui s’inscrivent dans le même pan d’histoire du futur (« Janus », « Chanson pour une sirène ») en tireront un plaisir supplémentaire. Un beau texte méditatif, dont la calme surface cache les puissantes énergies qui s’y meuvent. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 204-205.
Prix et mentions
Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1993