À propos de cette édition

Éditeur
Le Passeur / Logiques
Titre et numéro de la collection
L'ASFFQ
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Monde étrange
Longueur
Novella
Paru dans
L'Année 1990 de la science-fiction et du fantastique québécois
Pagination
251-281
Lieu
Sainte-Foy/Montréal
Année de parution
1993
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Sur une planète semblable à la Terre d’aujourd’hui, existe une société où le pouvoir est détenu par un groupe de télépathes appelés les Gris. Ceux-ci exercent un contrôle discret sur le reste de la population « normale ». Mais cette suprématie est menacée par des rebelles possédant le même pouvoir. Afin de vaincre leurs ennemis, les Gris sélectionnent quatre enfants, des mutants, et les éduquent pour en faire un groupe d’assaut, une entité indivisible. Les rebelles « libèrent » les enfants et brisent cette entité. Une fois adultes, les mutants dérivent les uns vers les autres, hantés par un malaise, un manque inexplicable à combler qui s’exprime dans une réminiscence : le bruit de la pluie. La guerre entre Gris et rebelles entraîne la mort de deux mutants. Pour les survivants, il faudra trouver le moyen d’affronter sa souffrance et de survivre à la destruction du groupe.

Commentaires

Jamais nouvelle d’Élisabeth Vonarburg n’aura autant exprimé le gouffre entre le monde extérieur et le monde intérieur. « Un bruit de pluie » est l’histoire d’une quête et d’une perte et, en même temps, d’une rédemption, d’une découverte d’un « autre monde… de l’autre côté de la mer ». Bien sûr, on retrouve ici les thèmes chers à l’écrivain : le besoin de l’autre, la quête de l’identité, l’individu aux prises avec une société autoritaire et le mythe héroïque en tant que dépassement.

L’angoisse, l’absence d’identité est le point de départ de cette nouvelle qui commence simplement par ces mots : « Il arrive. » Ce « il » dont on ne sait s’il est humain ou non, le lecteur en découvre progressivement les attributs : pattes, griffes, grondement. Cette conjugaison « angoissante », la nouvelle d’Élisabeth Vonarburg la reprend constamment. D’abord par le « je » du narrateur, David. Puis dans le « tu », lorsque ce dernier s’adresse à Pierre, son interlocuteur. Et, enfin, dans le « nous » qui correspond au groupe formé par les quatre mutants.

La première partie de la nouvelle s’ouvre sur un combat, rituel où l’homme affronte la bête. Le ton, onirique à souhait, invite à déchiffrer les symboles, à trouver le sens refoulé du rêve. La suite du récit sera un long monologue : David qui raconte, Pierre, muet, qui écoute. Là encore, il faut déchiffrer, rassembler les scènes éparses soumises aux caprices du souvenir. Le moteur de cette quête de vérité, de sens, c’est la souffrance née d’un traumatisme profondément refoulé, la perte, le manque attaché à un son, le bruit de la pluie, marque précise d’un avant et d’un après, blessure regardée de l’extérieur comme si elle appartenait à un autre corps. Cette référence constante au bruit de la pluie donne à la nouvelle un ton incantatoire, effet répétitif qui ne peut qu’annoncer une tragédie, un désastre que vivra à nouveau le groupe.

À cet enfer intérieur correspond un monde extérieur tout aussi redoutable où l’être est confronté à un pouvoir inhumain et manipulateur. Pour David, le salut consistera à affronter le « karaï intérieur », à faire face à la solitude, pour chercher de « l’autre côté de la mer ».

« Un bruit de pluie » est un texte exigeant. Malgré les références SF (mutants, télépathie), la nouvelle tient plus du théâtre par son intensité, sa forme (le monologue) et sa charge émotive que du classique récit d’anticipation. Sa finale, aux accents vaguement mystiques, pourrait aussi laisser certains lecteurs sur leur appétit. Pour d’autres, dont je fais partie, ce sera un récit passionnant, un voyage au bout d’une souffrance qui justifie tous les mondes intérieurs, toutes les inventions littéraires ou imaginaires pour s’évader et trouver l’espoir. [ML]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 199-200.