Un pan important du corpus québécois de la science-fiction et du fantastique s’est développé en marge des lieux officiels et professionnels de l’édition courante. Les fanzines et les micromaisons d’édition artisanales, à la vie souvent éphémère, ont ainsi permis à de nouvelles voix de se faire entendre. Hugues Morin est l’un de ces animateurs et auteurs du milieu qui ont joué un rôle déterminant dans la diversité de l’offre en publiant les premiers textes de jeunes auteurs. Morin a fondé le fanzine Fenêtre secrète sur Stephen King, qui a tenu seize numéros, et a produit plusieurs recueils et plaquettes à l’enseigne de sa petite maison d’édition, Ashem Fictions.

Au cours de la même période, soit de 1992 à 1999, l’auteur a beaucoup publié, pressé de connaître le succès et brûlant les étapes en ne retravaillant pas suffisamment ses textes. Faute de conseils prodigués par une direction littéraire éclairée dans les fanzines qui ont accueilli ses textes et s’éditant lui-même sans le recul nécessaire, il a écrit une trentaine de nouvelles, majoritairement fantastiques, qui sont souvent desservies par une écriture lourde et remplie de maladresses ou par un traitement peu original de thèmes éculés.

Grand amateur de cinéma et de l’œuvre de Stephen King, à qui il a d’ailleurs consacré un essai, Stephen King – Trente ans de terreur, Morin est marqué par ces influences dont il peine à se défaire. Difficile de trouver un fil conducteur dans cette production hétéroclite de textes qui ressemblent parfois à des pastiches, parfois à des hommages respectueux à de grands maîtres et trop peu souvent à des créations originales. Néanmoins, c’est sous le thème de la mort, traitée selon différents angles, qu’on peut situer Ombres dans la pluie, sans doute son recueil le plus réussi.

Après la parution de ce recueil, Hugues Morin, s’étant découvert une passion pour les voyages à travers le monde, a ralenti son rythme de production. Les nouvelles qu’il a écrites depuis le milieu des années 2000 laissent voir une maturité nouvelle dans son écriture et dans les sujets qu’il aborde. On y trouve une finesse et une sensibilité qui faisaient défaut dans ses textes de jeunesse. Les voyages et les rencontres humaines qui en découlent, en nourrissant son imaginaire, l’ont libéré de ses références culturelles trop lourdes à porter et l’ont connecté à la vie, à la vraie vie. Esprit Vagabond, tel qu’il se définit dans son journal diffusé sur le Net au fil de ses pérégrinations, il s’imprègne de l’ambiance des lieux, ingrédient indispensable à l’efficacité de ses récits qui confèrent dorénavant à Morin un statut d’écrivain-voyageur.

Dans « L’Imposteur », il nous livre à peine quelques informations sur le paysage volcanique de Quito, mais cela suffit à établir le climat d’étrangeté teintant l’expérience du narrateur. La nouvelle prend les couleurs d’un fantastique moderne qui a sa source dans le réalisme magique, courant majeur de la littérature latino-américaine.

Plus réussie encore est la nouvelle de science-fiction « Au plus petit café du monde », qui donne la mesure de l’évolution de l’auteur quand on la compare à « L’Étrange Monsieur W », portant sur le même thème des agents spatiotemporels. Là où la nouvelle écrite en 1992 était trop bavarde, truffée d’incohérences et inutilement tarabiscotée, celle de 2007 se distingue par sa fluidité narrative et sa construction ingénieuse tout en distillant suffisamment d’informations pour soutenir l’intérêt.

Hugues Morin a maintenant l’expérience et les outils nécessaires pour ravir un plus grand nombre de lecteurs. À condition de continuer à se laisser inspirer par l’Esprit Vagabond.

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