Contrairement à des écrivains comme André Carpentier, Bertrand Bergeron ou Gilles Pellerin, qui se sont imposés dès leurs premières nouvelles, Claude Bolduc n’avait pas tous les outils en main quand il a fait ses débuts en littérature en 1989. Publiant en outre dans des fanzines, il ne pouvait bénéficier du soutien et de l’encadrement d’une véritable direction littéraire. Ne se laissant pas décourager par la critique, il a beaucoup travaillé à peaufiner son écriture, à acquérir une maîtrise de la narration et à mesurer ses effets. Pour cela, il lui a fallu beaucoup écrire, de sorte que son œuvre compte sa part de nouvelles ratées et mineures, surtout au cours des dix premières années.

Claude Bolduc ne sera jamais un grand styliste, mais il a développé une voix personnelle, singulière, qui repose sur un habile dosage d’humour et de terreur. Ce fragile équilibre suppose une capacité à gérer les ruptures de ton sans que la crédibilité du récit soit entachée. De plus, on s’accorde pour reconnaître la qualité de ses dialogues, justes et naturels sans être trop envahissants.

Claude Bolduc est un auteur fantastique, certes, mais il se définit davantage comme auteur d’épouvante, ce qui est effectivement plus approprié dans son cas, car l’épouvante, qui peut être autant réaliste que fantastique, constitue très souvent le moteur de ses récits. Il aime faire peur et, pour cela, il n’hésite pas à recourir à la surenchère et à verser dans le « gore » et le macabre (« L’Heure de bébé », « Succion », « Dernière Ballade au clair de lune »). Sur ce point, il ne manque pas d’imagination, les idées tordues lui venant comme à d’autres la respiration.

Son œuvre ne fait pas dans la dentelle, donc, et ses personnages ne brillent pas par leur culture ou leur réussite sociale. La faune qui peuple son œuvre est celle des paumés, des marginaux, des gagne-petit et des ratés. Afin de s’extraire de leur misère morale ou économique, ces êtres médiocres se laissent subjuguer par la promesse d’une conquête facile, par l’appât du gain ou par l’espoir de devenir quelqu’un en s’en prenant à plus démuni que soi. Ils sont mus par leurs bas instincts et n’ont souvent aucune morale. Leurre et erreur fatale ! Mais en même temps, l’auteur, ne jugeant pas ses anti-héros, reconnaît plutôt leur courage – ou, bien souvent, leur incroyable naïveté – dans les actions qu’ils entreprennent pour prendre leur revanche sur leur chienne de vie. Leur univers rappelle celui qui caractérise l’œuvre des romanciers du mouvement Parti pris, notamment celle de Jacques Renaud (Le Cassé).

Le quotidien dépeint par Bolduc pourrait être sordide – et il l’est assurément dans une certaine mesure –, mais l’humour noir dont il assaisonne ses textes atténue le côté tragique de ces existences. En ce sens, Claude Bolduc entretient une parenté de ton avec Michel Bélil, première manière : même humour noir, même sens de la dérision, même tendance à privilégier un dénouement tragicomique. Cela dit, les modèles de Bolduc sont surtout européens, ce qui explique peut-être pourquoi il a été publié et invité à plusieurs reprises en Belgique.

L’œuvre de Bolduc semble un pur produit de la littérature de taverne, l’émanation d’un lendemain de party. Dégagée de ses productions faniques non conséquentes, de ses pochades faciles qui mettent en scène Klaus Bundoc, alter ego dérisoire de Claude Bolduc en auteur aux prises avec les tourments de l’écriture, elle renferme de belles réussites sur les plans de la forme et du contenu. Mentionnons « Harmonie », « Vieilles Peaux », « Toujours plus bas », bref, le recueil Histoire d’un soir et autres épouvantes qui témoigne de la maturité de l’auteur et de son indéniable progression, ce qui en fait le principal représentant de l’épouvante au Québec.

Outre de nombreuses nouvelles, Claude Bolduc a aussi écrit pour les adolescents sept romans qui fournissent à ce public friand d’horreur et de terreur sa ration de frissons. Reconnu dans sa région d’adoption, l’Outaouais, où il a reçu plusieurs distinctions littéraires, et connu dans la Francophonie, il demeure toutefois méconnu dans l’ensemble du Québec, snobé qu’il est par l’institution littéraire.

C’est le prix à payer, sans doute, quand on pratique un genre encore trop souvent considéré comme mineur.

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